Dans ma pratique de la consultation philosophique, la pensée de Simone Weil m'inspire. Elle éclaire une posture d'écoute fondée non sur le savoir ou la direction, mais sur l'attention nue – celle qui permet à l'autre d'apparaître en vérité.Weil écrit : « L’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l’objet » (Attente de Dieu, p. 72). Cette disponibilité radicale est le cœur de l’attitude que je cherche à incarner en consultation. Il ne s’agit pas de proposer des réponses, mais de créer un espace où la pensée peut advenir librement, sans pression ni orientation. Dans ce cadre, refuser de projeter, c’est d’abord se vider de toute volonté pour l’autre. Simone Weil souligne que « l’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité » (La Pesanteur et la Grâce, p. 117). Cela implique de renoncer à toute idée de "mieux penser à sa place". Même les questions que je pose visent à ne rien imposer : elles n’ont pas pour but de guider, mais d’ouvrir. Ce retrait actif crée une forme d’accueil inconditionnel. Car, comme le dit encore Weil, « ce regard est d’abord un regard attentif, où l’âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l’être qu’elle regarde tel qu’il est, dans toute sa vérité » (Attente de Dieu, p. 85). Il s’agit moins de comprendre que de laisser être. Cette approche transforme la consultation en un lieu de grâce : un moment hors des attentes de performance, où rien n’est exigé. « Il n’y a rien que nous puissions faire, mais nous pouvons attendre » (Attente de Dieu, p. 79). C’est dans ce retrait que la parole de l’autre devient possible, qu’une pensée singulière peut émerger. Ainsi, la philosophie n’est pas ici un discours surplombant, mais un art de l’attention. Un compagnonnage discret, qui mise sur le silence, le retrait, et la présence. Accueillir sans projeter : telle est la tâche, exigeante et simple, que Simone Weil m’aide à envisager chaque jour dans la rencontre philosophique.